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Des poèmes et des chats

12 juillet 2023

La Plainte d'une momie

Aux bruits lointains ouvrant l'oreille,
Jalouse encor du ciel d'azur,
La momie, en tremblant, s'éveille
Au fond l'hypogée obscur.

Elle soulève sa poitrine
Et sent couler de son oeil mort
Des larmes noires de résine
Sur son visage fardé d'or....

Oh ! dit-elle avec sa voix lente,
Être morte et durer toujours !
Heureuse la chair pantelante
Sous l'ongle courbé des vautours !

Heureux les morts qu'un vent d'orage
Plonge au fond des gouffres salés ;
Et qui s'en vont, de plage en plage,
Reluisants, verdis et gonflés !

Heureux trois fois ceux qu'on enterre
Tous nus, dans les sables mouvants,
Et dont le corps tombe en poussière
Qui tourbillone au gré des vents !

Ils vivront ! ils verronts encore
A la nature se mêlant

Les frisssons roses de l'aurore
Sur le lit bleu du ciel brûlant !...

Hélas : hélas ! la destinée, 
M'accablant d'honneurs importuns
Garde ma forme emprisonnée
Dans l'éternité des parfums !....

Ici, jamais ni vent ni pluie
N'ont rafraîchi mon front poudreux :
Depuis vingt siècles je m'ennuie
A regarder, de mon oeil creux,

Le Sphinx de pierre aux froides griffes,
Accroupi dans mon antre obscur,
Avec l'oiseau des hiéroglyphes,
Qui ne s'envole pas du mur !

Pour plonger dans ma nuit profonde,
Chaque élément frappe en ce lieu :
"Nous sommes l'air ! nous sommes l'onde !
Nous sommes la terre et le feu !

Viens avec nous ! la steppe aride
Veut son panache d'arbres verts !
Viens, sous l'azur du ciel splendide,
T'éparpiller dans l'univers !...

Viens !... la nature universelle
Cherche peut-être en ce tombeau
Pour le soleil une étincelle,
Pour la mer une goutte d'eau !"

Alors, me réveillant dans l'ombre,
Je raidis mes membres perclus ;
Sous les bandelettes sans nombre,
Mes pieds maigres ne marchent plus !

Et, dans ma tombe impérissable,
Je sens venir avec effroi
Les siècles lourds comme du sable
Qui s'ammoncelle autour de moi !

Ah ! sois maudite, race impie
Qui, de l'être arrêtant l'essor,
Garde ta laideur assoupie
Dans la vanité de la mort.

Louis BOUILHET 

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25 avril 2023

Le petit laboureur

Lorsque laboure mon père,
J'aime à marcher près de lui ;
J'aime à bien voir, dans la terre,
Entrer le coutre qui luit.

Elle résiste ; il la perce,
Il la fend de long en long ;

Le versoir qui la renverse
Laisse après lui le sillon.

Elle est tiède et parfumée ;
J'y vois des germes herbeux ;
Il en sort une fumée,
Comme du naseau des boeufs.

Mes boeufs patients, que j'aime,
Front bas, vont d'un pas égal .
C'est dur, mais ils vont quand même ;
Ils se donnent bien du mal !

Ils se donnent de la peine
Pour creuser droite et profond ;
L'homme les aide, les mène ;
Mais ils savent ce qu'ils font !

Ils savent que l'on travaille
Pour semer avoine et blé,
Et qu'ils auront de la paille
Que s'ils ont bien travaillé.

Eho ! je les encourage ;
Je leur chante une chanson ;
Puis je touche l'attelage
D'un léger coup d'aiguillon.

Mon père tient la charrue,
Haussant ou baissant les bras,
Et l'alouette accourue
Vient becqueter dans nos pas.

Puis, contente de la graine
Du petit ver qu'il lui faut, 
Elle monte à perdre haleine
Chanter au ciel, tout là-haut.

La plaine, aujourd'hui déserte,
- Labourons, ensemençons ! -
Dans quelques jours sera verte,
Et couleur d'or aux moissons !

Jean AICARD 

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28 février 2023

Vains conseils

Ami, ne cherche pas la joie ailleurs qu'en toi...
La fleur si tôt jaunit, et tourne aux cieux la feuille.
Un sourire vaut-il que ton baiser le cueille ?
Ta bouche en serait triste, et lourd ton coeur, crois-moi...

 

Garde-toi des désirs ; le bonheur est austère ;
Il est comme le chêne-vert sur le coteau
Où d'aventure chante un infidèle oiseau...
Cherche la volupté que l'on goûte à se taire !

 

Au vaisseau sur la crête écumeuse des mers
Préfère sur la rive un bruissant platane...
Ne demande aux humains qu'un plaisir qui ne se fane...
Suffis-toi ; c'est un sûr défi aux dieux amers !

 

Laisse des passions s'enfler la sombre ivresse ;
Mais si de mes conseils t'étonnait la froideur
De mes cyprès en fleur viens surprendre l'odeur :
Du vent des soirs de mai tiédira la caresse...

 

Jean LEBRAU

 

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23 février 2023

Carnaval

Venise pour le bal s'habille.
De paillettes tout étoilé,
Scintille, fourmille et babille
Le carnaval bariolé.

 

Arlequin, nègre par son masque,
Serpent par ses milles couleurs,
Rosse d'une note fantasque
Cassandre son souffre-douleurs.

 

Battant de l'aile avec sa manche
Comme un pingouin sur un écueil,
Le blanc Pierrot, forme blanche,
Passe la tête et cligne l'oeil.

 

Le docteur bolonais rabâche
Avec la basse aux sons traînés ;
Polichinelle, qui se fâche,
Se trouve une croche pour nez.

 

Heurtant Trivelin qui se mouche
Avec un trille extravagant,
A Colombine, Scaramouche 
Rend son éventail ou son gant.

 

Sur une cadence se glisse 
Un domino ne laissant voir
Qu'un malin regard en coulisse
Aux paupières de satin noir.

 

Ah ! fine barbe de dentelle, 
Que fait voler un souffle pur,
Cet arpège m'a dit : C'est elle !
Malgré les réseaux, j'en suis sûr.

 

Et j'ai reconnu, rose et fraîche,
Sous l'affreux profil de carton, 
Sa lèvre au fin duvet de pêche,

Et la mouche de son menton.

 

Théophile GAUTIER 

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21 février 2023

O clairon vibrant de l'automne

Le clairon vibrant de l'Automne
Au fond du parc, sans fin résonne
Tandis que, sous le ciel pâli,
Eclate soudain l'hallali

L'hallli des âmes blessées,
Par un long ennui terrassées
Et qui se traînent dans le soir
Avec leur secret désespoir.

Les jardins que meurtrit l'Automne
Semblent un beau front sans couronne
Qui se penche vers son déclin...
Tout en moi se sent orphelin.

Chaque minute m'assassine ;
Le dahlia trop lourd s'incline
Jusqu'à presque touche le sol,
Je pleure sur toi, rossignol.

O sanglots longs de Paul Verlaine,
Doux violons chantant sa peine,
Mêlez-vous à l'ardent clairon
De l'Automne fugace et blond.

Il n'est plus un bien que j'envie
Si ce n'est de quitter la vie,
La vie au rythme décevant,
Comme une feuille, au gré du vent.

O clairon vibrant de l'Automne, 
Saignant comme un coeur qui se donne,
Déchirant le ciel sans écho,
Réveille, ainsi qu'à Jéricho,

Réveille ma sève endormie...
Ta voix plaintive est une amie
Qui m'annonce un autre Réveil
Dans la splendeur du vrai Soleil...

Suzanne BUCHOT

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15 septembre 2022

Ahasvérus

Sans relâche, depuis mille et huit cents années,
Sous tous les ciels, le long des routes étonnées
De ce passant ancien qui revenait toujours,
Ahasvérus, marchait, la tête et les pieds lourds.
L'antique lassitude écrasait le pauvre homme ;
Et, tandis que, sans halte et sans espoir de somme,
Il se traînait comme un blessé qui voudrait fuir,
Cinq sous tintaient dans son escarcelle de cuir.
Un jour, il gravissait une côte, en Norvège.
La barbe dans la bise et les pieds dans la neige,
Il cria vers les cieux, marcheur désespéré :
"Qu'il sera doux, le roc où je m'endormirai,
Dût la neige y glacer la sueur sur ma face !
Dieu qui me châtias, n'est-il donc rien qui fasse
Que je puisse m'asseoir, ô Dieu bon, et mourir ?"
En ce moment, non loin du Juif las de souffrir,
Un mendiant passait, blanc vieillard qui chancelle.
Ahasvérus tendit au vieux son escarcelle
Et lui mit son manteau sur l'épaule en marchant

Cela fait il s'assit, et mourut sur-le-champ.

Catulle MENDES 

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14 septembre 2022

Les Grand'mères

Vous tous, petites enfants, aimez bien vos grand'mères ;
Entourez-les , leur âge a des douleurs amères ;
Oh ! formez devant l'âtre une riante cour,
Quand votre aïeule vient au cercle de famille
Chauffer ses membres froids au foyer qui pétille,
       Son coeur à votre amour !

Votre sourire franc, qu'elle aime et qu'elle implore,
Est un rayon d'hiver qui la ranime encore ;
Son frais et vert printemps qui semble refleuri,
Quand son petit enfant vien gazouiller près d'elle
Comme un oiseau joyeux qui monte et bat de l'aile
       Sur un arbre flétri. 

Ses mains, qu'il faut presser avec mille tendresses,
Sont pleines de jouets et pleines de caresses.
Baisez ses cheveux blanc, diadème béni ;
Qu'il souffle un peu d'amour dans ses chemins arides ;
Un seul baiser d'enfant fait oublier vingt rides
       A son front rajeuni !

Bon navire est au port et va plier ses voiles ;
Hâtez-vous de l'aimer, c'est moi qui vous le dit,
Car déjà son pied touche au seuil du paradis ;
L'ombre envahit ses jours couverts de sombres voiles ;
Nul soleil d'autrefois dans son coeur ne reluit ; 
Venez y rayonner : la vieillesse est la nuit, 
       Enfants, soyez-en les étoiles !

Mais un jour vous verrez, sur la porte, un drap noir ;
L'aïeule manquera dans le cercle du soir ;
Puis plus tard, votre mère et tous vos plus fidèles...
Nos logis sont des nids, d'abord pleins et joyeux,
Mais dont les habitants sont des oiseaux des cieux,
       Qui tôt ou tard ouvrent leurs ailes.

Oh ! quand vous serez tous plus tristes et plus grands ;
Quand vous saurez penser, mes petits ignorants,
Le soir, en remuant le passé plein de flamme,
De l'aïeule, avec pleurs, vous parlerez encor :
Vos souvenirs d'enfants, comme autant de fils d'or,
       L'auront enchaînée à votre âme !

Ma fille ! quand tu vins, ma mère était au ciel :
Il te manque un amour, un baiser maternel.
Oh ! te voir dans ses bras, c'était là ma chimère !
Dieu bénit la maison, y plane et la défend, 
Quand on y réunit le berceau de l'enfant
       Et le fauteuil de la grand'mère.

Si, chez moi, j'avais pu vous avoir à la fois,
De l'oreille et de l'âme écouter vos deux voix, 
Te tenir par la main, en m'appuyant sans crainte
Sur son coeur ; près du tien voir son front adoré,
Le ciel m'aurait aimée, et mon logis sacré
       Aurait eu son ange et sa sainte !

Mle Anaïs SEGALAS 

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21 juillet 2022

La branche d'aubépine

- Il est, aux environs de notre métairie,
Une haute contrée aux espaces déserts
Où croissent, frais tapis qui parfume les airs,
Le thym, le genêt d'or, la bruyère fleurie.

Sur ces larges plateaux, sans maisons ni chemins,
On respire le vent des libres solitudes ;
Souriant, oublieux, léger d'inquiétudes,
On s'y croit dans un monde ignoré des humains.

J'y marchais un matin de ce dernier avril,
Ayant à mon côté, dans cette promenade,
Un bambin de sept an, gracieux camarade
Qui trottait d'un pas leste en faisant son babil.

Il portait à la main un rameau d'aubépine, 
Tige en fleur dérobée au palis d'un enclos,
Et sa verve coulait, elle coulait à flots.
Quels attraits n'as-tu pas, causerie enfantine !

Frappé subitement d'une réflexion.
Il suspendit sa marche et ses propos de joie :
"Penses-tu, me dit-il (ce marmot me tutoie),
Que l'on pourrait ici rencontrer un lion ?"

Le mot, évidemment, sentait son La Fontaine.
"Un lion ! répondis-je ; un lion, c'est beaucoup,
Mais on pourrait fort bien y rencontre un loup,
Quand ils quittent, l'hiver, leur tanière lointaine.

Si l'un d'eux aujourd'hui, se trompant de saison,
Sortait de ce taillis, un loup de belle taille,
Et qu'il parût songer à nous livrer bataille,
Réponds : aurais-tu peur, mon cher petit garçon ?

- Mais oui,... peut-être bien, dit-il de sa voix franche ;
Puis, d'un beau mouvement, il se reprit soudain,
En relevant le front ainsi qu'un paladin :
- Non, je n'aurais pas peur ; n'ai-je pas cette branche ?"

Joseph AUTRAN 

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7 juillet 2022

L'Eglise de village

Depuis que je n'ai vu ton ciel, ô mon village !
Ainsi qu'un vif éclair, le temps rapide a fui.
Dix ans se sont passés, mais du moins ton image
A souvent de mes jours distrait le long ennui.
Quand un furtif espoir tient mon âme indécise,
Quand le néant répond à des soins superflus,
Il me souvient alors que la petite église
Où nous allions prier le soir à l'Angélus !

A l'ombre des ormeaux, sous les yeux de nos mères,
Les heures s'écoulaient en innocents plaisirs ;
Nous ne nous formions poin de trompeuses chimères,
Car nous savions, enfants, limiter nos désirs !
Loin du rivage heureux où la vague se brise,
Nous n'allions point chercher des mondes inconnus...
Le nôtre finissait à la petite église
Ou nous allions prier le soir à l'Angélus.

La gloire ! oh ! que ce mot à d'éclat et de charmes !
Comme il est séduisant ! mais que souvent, hélas !
Il cause des chagrins, de tourments et de larmes
A l'impudent qui cède à ses brillants appas !...
Au banquet somptueux où la gloire est assise,
Pour autant d'appelés combien sont élus !
Chacun avait sa place à la petite église
Où nous allions prier le soir à l'Angélus.

Sous ces vastes lambris où l'heureuse richesse
Etale ses écrins au milieu des flatteurs,
J'ai vu des courtisans, pour la moindre largesse,
Se faire du veau d'or les vils adorateurs ;
J'ai vu dans ces palais où règne la feintise
Encenser tour à tour ce qui brillait le plus !...
Le Christ était en bois dans la petite église
Où nous allions prier le soir à l'Angélus !

Dix ans ! déjà dix ans !... Durant ce long voyage,
Entraîné malgré moi dans un monde insensé,
Je  me suis laissé prendre à son ardent mirage,
Et je vous ai, mon Dieu, bien des fois offensé !
Pardonnez !... et qu'un jour votre main me conduise
En ce pauvre village où l'on croit aux vertus,
Pour que je puisse encore, à la petite église,
Aller prier en paix le soir à l'Angélus.

Edmond AUDOUIT 

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4 juillet 2022

Rêves ambitieux

Si j'avais un arpent de sool, mont, val ou plaine,
Avec un filet d'eau, torrent, source ou ruisseau,
J'y planterais un arbre, olivier, saule ou frêne,
J'y bâtirais un toit, chaume, tuile ou roseau.

Sur mon arbre, un doux nid, gramen, duvet ou laine,
Retiendrait un chanteur, pinson, merle ou moineau,
Sous mon toit un doux lit, hamac, natte ou berceau,
Retiendrait une enfant, blonde, brune ou châtaine.

Je ne veux qu'un arpent ; pour le mesurer mieux,
Je dirais à l'enfant, la plus belle à mes yeux :
"Tiens-toi debout devant le soleil qui se lève ;

Aussi loin que ton ombre ira sur le gazon,
Aussi loin, je m'en vais tracer mon horizon :
Tout bonheur que la main n'atteint pas n'est qu'un rêve."

Joséphin SOULARY 

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30 juin 2022

Le Dimanche


C'est lui, le voilà, le Dimanche
Avec le mois de mai nouveau ;
L'amandier met sa robe blanche,
Le bleu du ciel azure l'eau.
Les fleurs du jardin sont écloses,
On croirait voir le paradis ;
La violette parle aux roses,
Le chêne orgeuilleux parle au buis.

Au bord du nid, battant des ailes,
L'oiseau chante en se réveillant
Et dit bonjour aux hirondelles
Qui reviennent de l'Orient.
Dans son bel habit du dimanche,
Le chardonneret marche fier,
Et vole aussi de branche en branche,
Et jette sa chanson dans l'air.

Il apporte dans les familles
A chacun ses petits cadeaux :
Des rubans pour les jeunes filles, 
Et pour les enfants des gâteaux.
Il ne fait que chanter et rire,
Il débouche les vieux flacons,
Et le soir, de sa poche il tire
Les flûtes et les violons.

Voyez combien on est tranquille
Dans tout le village aujourd'hui ;
Le moulin à la roue agile
Et l'enclume ont cessé leur bruit ;
Les boeufs ruminent à la crèche,
Libres du joug et du brancard,
Et la charrue avec la bêche
Se reposent sous le hangar.

Tout le monde paraît à l'aise,
On s'aborde d'un air content :
"Comment va ton père Thérèse ?
- Wilhem, comment va votre enfant ?
- Bon temps, voisin, pour la futaille !
- Voisin, bon temps pour le grenier !"
Personne aujourd'hui ne travaille,
Excepté le ménétrier.

Henri MURGER

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22 juin 2022

Les douceurs de la vie des champs

Heureux qui, loin du bruit, sans projets, sans affaires,
Cultive de ses mains ses champs héréditaires ;
Qui, libre de désirs, de soins ambitieux,
Garde les simples moeurs de nos sages aïeux !
A peine il sait les noms d'intérêts, de créances ;
Il ne redoute point le jour des échéances.
La guerre et ses dangers, la mer et ses fureurs,
Les pompes des palais, leurs changeantes faveurs,
Ne le troublent jamais, et jamais ne l'abusent ;
Mais d'aimables travaux l'occupent et l'amusent :
Il émonde un jeune arbre ou greffe un sauvageon ;
Il enlace au rameau le flexible bourgeon,
Dépouille les brebis et leur laine pendante,
Prépare un toit commode à l'abeille prudent,
Et soignant fleurs et fruits, vendanges et moissons,
S'enrichit des présents de toutes les saisons.
Oh ! qu'un simple foyer, des pénates tranquilles,
Valent mieux que le luxe et le fracas des villes :
Que servent nos festins avec art apprêtés
Ces mets si délicats et ces vins si vantés ?
L'orgueil en fit les frais, l'ennui les empoisonne.
J'aime un dîner frugal que la joie assaisonne :
Tout repas est festin quand l'amitié le sert.
La treille et le verger fournissent le dessert.
ANDRIEUX 

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2 juin 2022

Les cerises

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Au flâneur, le long du marché, 
Mai, qui sourit, fait des surprises, :
Par hasard m'étant approché, 
J'ai vu les permières cerises !

Ces beaux fruits, ronds, brillants, charnus,
Sur des lits épais de fougère,
Pour nous tenter sont revenus
Avec la fraise bocagère.

Dès ce soir, les petits enfants
Aux lèvres pures et vermeilles,
Après leur dîner, triomphants,
Se mettront des pendants d'oreilles.

Plus tard, dépouillant les buissons,
Et barbouillés du jus des mûres, 
Ils iront jaser, gais pinsons,
A l'ombre des vertes ramures.

Mais mon coeur se serre. - Pourquoi ?
- Je songe à ma lointaine enfance,
Aux rires de si bon aloi,
Pleins de naïve insouciance...

En ce temps ma mère à son cou
Me prenait (ô douceurs exquises !)
Et, très fier d'un bouquet d'un sou,
J'avais les premières cerises !

Alex PIEDAGNEL 

20 mars 2019

Monsieur Printemps

Monsieur Printemps est un vieil homme,
Toujours pimpant, frais et dispos,
Qui porte un bel habit vert-pomme,
Et qui n'est jamais en repos.
Il met le nez à la fenêtre,
Lorsque revient le mois d'avril,
Et dit tout haut : "Quel temps fait-il ?
Voilà le moment de paraître !"
Monsieur Printemps, Monsieur Printemps,
Revenez-nous, et pour longtemps !

Voici que la rosée en perles
Brille partout sur les gazons ;
Dans les bois où sifflent les merles,
Les feuilles ouvrent leurs prisons ;
Les oisillons font des aubades,
Et disent bonjour au soleil,
En criant : "Voilà le réveil !
Rions, chantons mes camarades !..."
Monsieur Printemps, Monsieur Printemps,
Revenez-nous, et pour longtemps !

Monsieur Printemps, de sa chambrette,
Leur dit : "Ne criez pas, je sors !
Que diable ! Je fais ma toilette :
Dans un instant je suis dehors !
Je mets mon habit des dimanches,
Frais sorti de chez le tailleur,,
Et brodé de toute couleur
Sur le collet et sur les manches."
Monsieur Printemps, Monsieur Printemps, 
Revenez-nous, et pour longtemps !

Voici Monsieur Printemps qui bouge, 
Qu'il est gai ! qu'il a l'air ouvert !
Que son gilet de velours rouge
Va bien avec son habit vert !
Ses mains sont pleines de fleurettes
Qu'il accroche à tous les halliers :
Au lieu de clous à ses souliers,
Il a de blanches pâquerettes.
Monsieur Printemps, Monsieur Printemps,
Restez chez nous, et pour longtemps.

Prosper BLANCHEMAIN

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13 mars 2019

Les deux lampes

Tout reposait : au temple solitaire

Où veille du Seigneur l'éternelle bonté,

Une lampe brûlait, et dans le sanctuaire

     Répandait sa douce clarté.

Une autre lampe auprès pendait inanimée,

Sans chaleur et sans flamme, et l'huile parfumée

Reposait inutile en son sein argenté.

"Vous voilà, disait-ellle, à demi consumée,

Et bientôt s'éteindra votre pâle lueur :

     Je plains votre destin, ma soeur !

     La flamme ardente vous dévore ;

     Demain quand renaîtra l'aurore,

Du liquide trésor que je porte en mon sein,

     Ma soeur, je serai pleine encore ;

     Et vous, que serez-vous demain ?

     - Vous me plaignez, répondit l'autre.

Et mon sort vous paraît bien triste auprès du vôtre :

     Je le préfère cependant.

     La lampe où ne luit nulle flamme,

     O ma soeur, c'est un corps sans âme,

     Qui languit éternellement.

     Je bénis la mai qui m'allume,

     Car en brûlant je me consume,

     Mais j'éclaire en me consumant."

                                                                    Anatole de SEGUR 

 

26 janvier 2017

Les cinq actes de la vie

Le drame de la vie, hélas ! est peu de chose :
Au drame de la scène on peut le comparer :
Jusques au dénoûment jamais on n'y repose ;
Bien ou mal, pauvre ou riche, on doit y figurer.

Au premier acte on naît ; avec peine on s'avance
A travers mille écueils vers un but ignoré.
Au second, on s'éclaire, on pressent l'existence ;
A de vagues désirs on est déjà livré.

Au troisième, emporté par une aveugle ivresse, 
Par le monde, l'amour, les renaissants plaisirs,
On  ose, on brave tout, on s'égare sans cesse,
On s'apprête souvent d'éternels repentirs.

Au quatrième, las de vaines jouissances,
Le coeur d'autres besoins, d'autres feux se remplit ;
L'orgueil, l'ambition, leurs transports, leurs souffrances, 
Viennent tout remplacer... Cependant on vieillit.

Au cinquième arrivé, le corps, l'esprit s'affaisse,
Chaque jour, chaque instant voit briser un lien ;
On pense, on parle encor... mais la toile se baisse,
Le spectacle finit, et l'homme n'est plus rien.

La princesse de SALM 

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19 janvier 2017

Nouvel An

Avec la nouvelle année
Plein de projets
Beaucoup d'argent
Et de bon temps
Beaucoup d'amour
Pour tous ces jours
Et surtout une bonne santé
Pour pouvoir en profiter

Dominique Royer

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3 octobre 2016

Le Sou et la Pièce d'Or

 

Tout auprès d'une pièce d'or
Un pauvre sou fut mis par aventure :
Lui, tout effacé par l'usure ;
Elle, brillante et presque neuve encor.
C'était, assurément, un bizarre assemblage,
Et la pièce voulut en tirer avantage.
"Tu ne t'attendais pas à cet excès d'honneur,
Dit-elle au sou d'un air d'importance ;
Mais placé près de moi, sans doute par erreur,
Ne va pas t'aviser d'oublier la distance
Qui sépare notre valeur ! 
- Je m'en garderais bien, répond avec malice
Le sou, qui n'était pas novice ;
Je ne suis presque rien ; cependant, s'il fallait
Mesurer la valeur au bien que l'on fait,
Peut-être devrais-tu prendre un ton plus modeste."

En de stériles mains la pièce d'or qui reste
Ne vaut pas l'humble sou qui sert pour un bienfait.

Henri PIAUD

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13 août 2016

L'art de vieillir

 

Vieillir, se l'avouer à soi même et le dire
tout haut, non pas pour voir protester les amis,
mais pour y conformer ses goûts et s'interdire
ce que la veille encore on se croyait permis.

Avec sincérité, dès que l'aube se lève,
se bien persuader qu'on est plus vieux d'un jour ;
à chaque cheveu blanc, se séparer d'un rêve
et lui dire tout bas un adieu sans retour.

Aux appétits grossiers, imposer d'âpres jeunes,
et nourrir son esprit d'un solide savoir,
devenir bon, devenir doux, aimer les fleurs,
aimer les jeunes, comme on aima l'espoir.

Se résigner à vivre un peu sur le rivage,
tandis qu'il vogueront sur les flots hasardeux,
craindre d'être importun sans devenir sauvage,
se laisser ignorer tout en restant près d'eux.

Vaquer sans bruit aux soins que tout départ réclame,
prier et faire un peu de bien autour de soi,
sans négliger son corps, parer surtout son âme,
chauffant l'un aux tisons, l'autre à l'antique Foi.

Puis un beau soir, discrètement, souffler la flamme
de sa lampe et mourir parce que c'est la loi de la vie.

François Fabié 

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13 avril 2016

Nocturne

Il n'est pas une étoile aux ténèbres du ciel,
Tous les feux sont éteints sur la prochaine rive :
Ta lampe seule brille à cette heure tardive,
Aucun regard ne veut répondre à son appel.

Nulle autre vie, en cette universelle absence,
Ne peut distraire ton amour de ses regrets :
Sur la vitre la pluie où vivent des secrets,
Célèbre dans son chant la fête du silence.

Jean Pourtal de Ladevèze 

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Des poèmes et des chats
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