Le Dimanche
C'est lui, le voilà, le Dimanche
Avec le mois de mai nouveau ;
L'amandier met sa robe blanche,
Le bleu du ciel azure l'eau.
Les fleurs du jardin sont écloses,
On croirait voir le paradis ;
La violette parle aux roses,
Le chêne orgeuilleux parle au buis.
Au bord du nid, battant des ailes,
L'oiseau chante en se réveillant
Et dit bonjour aux hirondelles
Qui reviennent de l'Orient.
Dans son bel habit du dimanche,
Le chardonneret marche fier,
Et vole aussi de branche en branche,
Et jette sa chanson dans l'air.
Il apporte dans les familles
A chacun ses petits cadeaux :
Des rubans pour les jeunes filles,
Et pour les enfants des gâteaux.
Il ne fait que chanter et rire,
Il débouche les vieux flacons,
Et le soir, de sa poche il tire
Les flûtes et les violons.
Voyez combien on est tranquille
Dans tout le village aujourd'hui ;
Le moulin à la roue agile
Et l'enclume ont cessé leur bruit ;
Les boeufs ruminent à la crèche,
Libres du joug et du brancard,
Et la charrue avec la bêche
Se reposent sous le hangar.
Tout le monde paraît à l'aise,
On s'aborde d'un air content :
"Comment va ton père Thérèse ?
- Wilhem, comment va votre enfant ?
- Bon temps, voisin, pour la futaille !
- Voisin, bon temps pour le grenier !"
Personne aujourd'hui ne travaille,
Excepté le ménétrier.
Henri MURGER