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Des poèmes et des chats
13 mars 2019

Les deux lampes

Tout reposait : au temple solitaire

Où veille du Seigneur l'éternelle bonté,

Une lampe brûlait, et dans le sanctuaire

     Répandait sa douce clarté.

Une autre lampe auprès pendait inanimée,

Sans chaleur et sans flamme, et l'huile parfumée

Reposait inutile en son sein argenté.

"Vous voilà, disait-ellle, à demi consumée,

Et bientôt s'éteindra votre pâle lueur :

     Je plains votre destin, ma soeur !

     La flamme ardente vous dévore ;

     Demain quand renaîtra l'aurore,

Du liquide trésor que je porte en mon sein,

     Ma soeur, je serai pleine encore ;

     Et vous, que serez-vous demain ?

     - Vous me plaignez, répondit l'autre.

Et mon sort vous paraît bien triste auprès du vôtre :

     Je le préfère cependant.

     La lampe où ne luit nulle flamme,

     O ma soeur, c'est un corps sans âme,

     Qui languit éternellement.

     Je bénis la mai qui m'allume,

     Car en brûlant je me consume,

     Mais j'éclaire en me consumant."

                                                                    Anatole de SEGUR 

 

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