La branche d'aubépine
- Il est, aux environs de notre métairie,
Une haute contrée aux espaces déserts
Où croissent, frais tapis qui parfume les airs,
Le thym, le genêt d'or, la bruyère fleurie.
Sur ces larges plateaux, sans maisons ni chemins,
On respire le vent des libres solitudes ;
Souriant, oublieux, léger d'inquiétudes,
On s'y croit dans un monde ignoré des humains.
J'y marchais un matin de ce dernier avril,
Ayant à mon côté, dans cette promenade,
Un bambin de sept an, gracieux camarade
Qui trottait d'un pas leste en faisant son babil.
Il portait à la main un rameau d'aubépine,
Tige en fleur dérobée au palis d'un enclos,
Et sa verve coulait, elle coulait à flots.
Quels attraits n'as-tu pas, causerie enfantine !
Frappé subitement d'une réflexion.
Il suspendit sa marche et ses propos de joie :
"Penses-tu, me dit-il (ce marmot me tutoie),
Que l'on pourrait ici rencontrer un lion ?"
Le mot, évidemment, sentait son La Fontaine.
"Un lion ! répondis-je ; un lion, c'est beaucoup,
Mais on pourrait fort bien y rencontre un loup,
Quand ils quittent, l'hiver, leur tanière lointaine.
Si l'un d'eux aujourd'hui, se trompant de saison,
Sortait de ce taillis, un loup de belle taille,
Et qu'il parût songer à nous livrer bataille,
Réponds : aurais-tu peur, mon cher petit garçon ?
- Mais oui,... peut-être bien, dit-il de sa voix franche ;
Puis, d'un beau mouvement, il se reprit soudain,
En relevant le front ainsi qu'un paladin :
- Non, je n'aurais pas peur ; n'ai-je pas cette branche ?"
Joseph AUTRAN