Pense au tendre matin...
Pense au tendre matin, à nous deux sous les arbres,
Seuls avec notre rêve et notre enchantement,
Seuls avec l'infini du ciel et du moment,
Seuls avec les rayons, les oiseaux et les marbres.
Je te disais tout bas l'allégresse des fleurs,
L'ivresse et le parfum des roses souveraines,
L'hymne de ce poète et l'âme de ces reines
Que nimbent leur beauté, leur gloire ou leur malheur.
Mais tu ne voyais rien, tu m'entendais à peine
Et tu penchais vers mon épaule ta langueur.
Parce que ton coeur veut qu'un printemps t'appartienne,
Parce que mon regard n'embrasait plus tes yeux.
Que tu ne sentais plus mes lèvres sur les tiennes,
Qu'un peu moins de lumière éblouissait tes cieux,
Tout ton être exalté dans l'attente farouche,
L'angoisse des ferveurs et des élans brisés,
Et les songes troublants de tes nuits sur ta couche,
Et l'éveil de tes sens dans l'extase enlisés,
Et ta jeunesse et ton sang clair tendaient ta bouche
A la hantise insatiable du baiser.
Ernest PREVOST