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Des poèmes et des chats
30 décembre 2009

Les quatre âges de la vie

Chaque âge a ses humeurs, son goût et ses plaisirs,
Et comme notre poil blanchissent nos désirs.
Nature ne peut pas l'âge en l'âge confondre ;
L'enfant qui sait déjà demander et répondre,
Qui marque assurément la terre de ses pas,
Avec ses pareils se plaît en ses ébats :
Il fuit, il vient, il parle, il pleure, il saute d'aise ;
Sans raison, d'heure en heure, il s'émeut, et s'apaise.
   Croissant l'âge en avant sans soin de gouverneur,
Relevé, courageux et cupide d'honneur,
Il se plaît aux chevaux, aux chiens, à la campagne ;
Facile au vice, il hait les vieux et les dédaigne ;
Rude à qui le reprend, paresseux à son bien,
Prodigue, dépensier, il ne conserve rien ;
Hautain, audacieux, conseiller de soi-même,
Et d'un coeur obstiné se heurte à ce qu'il aime.
   L'âge au soin se tournant, homme fait, il acquiert
Des biens et des amis, si le temps le requiert ;
Il masque ses discours comme sur un théâtre ;
Subtil, ambitieux, l'honneur il idolâtre :
Son esprit avisé prévient le repentir,
Et se garde d'un lieu difficile à sortir.
   Maints fâcheux accidents surprennent sa vieillesse :
Soit qu'avec du souci gagnant de la richesse,
Il s'en défend l'usage et craint de s'en servir,
Que tant plus il en a, moins s'en peut assouvir
Ou soit qu'avec froideur il fasse toute chose,
Imbécile, douteux, qui voudrait et qui n'ose,
Délayant, qui toujours a l'oeil sur l'avenir ;
De léger il n'espère, et croit au souvenir ;
Il parle de son temps, difficile et sévère ;
Censurant la jeunesse, use des droits de père ;
Il corrige, il reprend, hargneux en ses façons,
Et veut que tous ses mots soient autant de leçons.
   Voilà donc de par Dieu comme tourne la vie,
Ainsi diversement aux humeurs asservie,
Que chaque âge départ à chaque homme en vivant,
De son tempérament la qualité suivant.
Et moi qui, jeune encor, en mes plaisirs n'égaie,
Il faudra que je change ; et, malgré que j'en aie,
Plus soigneux devenu, plus froid, et plus rassis,
Que mes jeunes pensées cédent aux vieux soucis ;
Que j'en paie l'écot, rempli jusqu'à la gorge,
Et que j'en rende un jour les armes à saint Georges.

Mathurin REGNIER

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