Le petit chat
Ses yeux jaunes et bleux sont comme deux agates.
Il les ferme à demi parfois, et reniflant
Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
Avec des airs de tigre étandu sur le flanc.
Mais voilà qui sort de cette nonchalance :
Brusquement il devient joueur et folichon.
Alors, pour l'intriguer un peu, je lui balance,
Au bout d'une ficelle invisible, un bouchon.
Il fuit en galopant et la mine effrayée...
Puis revient au bouchon, le regarde, et d'abord
Tient suspendue en l'air sa patte repliée,
Puis l'abat, et saisit le bouchon, et le mord.
Je tire la ficelle alors sans qu'il le voie.
Et le bouchon s'éloigne, et le minet le suit,
Faisant des ronds avec sa patte qu'il envoie,
Puis saute de côté, puis revient, puis refuit.
Mais dès que je lui dis : "Il faut que je travaille,
Venez-vous asseoir là, sans faire le méchant !..."
Il s'assied... Et j'entends, pendant que j'écrivaille,
Le petit bruit mouillé qu'il fait en se léchant.
Edmond Rostand