La chanson du pauvre homme
Pauvre et seul, je m'en suis allé
A travers une vie nouvelle,
Et jamais je n'ai retrouvé
Ma gaîté d'hirondelle.
La gaîté de l'âge où l'on dort
Sous l'oeil du père et de la mère.
Mon bonheur avec eux est mort
Et scellé sous la pierre.
Et je vois les moissons blondir,
Le verger blanc devenir rose...
Et sans trêve il faut repartir
Dans l'avenir morose.
Pourtant le pauvre délaissé
Aime à voir la foule joyeuse ;
Et je dis à chaque cité :
"Sois grande ! sois heureuse !"
Tu ne m'as pas, ô Dieu clément !
Donné que misère et tristesse :
Il tombe de ton firmament
Une infinie tendresse.
Dans les villes et les hameaux
Je sais où trouver ta demeure.
Le même chant sous les arceaux
Te bénit, à toute heure.
Tes étoiles semblent sur moi
Abaisser leur blanche paupière ;
Et je m'entretiens avec toi
Quand sonne la prière.
Puis, un jour, au bout du chemin,
Luiront des étoiles nouvelles,
Et j'irai m'asseoir au festin
Des noces éternelles.