L'Oiseau Bleu
Que notre sort est déplorable,
Et que nous souffrons de tourment
Pour nous aimer trop constamment !
Mais c'est en vain qu'on nous accable :
Malgré nos cruels ennemis,
Nos coeurs seront toujours unis.
Oiseau Bleu, couleur du temps,
Vole à moi promptement.
Accablé d'un cruel malheur,
En vain l'on parle et l'on raisonne,
On n'écoute que sa douleur,
Et point les conseils qu'on nous donne.
Il faut laisser faire le temps ;
Chaque chose a son point de vue ;
Et, quand l'heure n'est pas venue,
On se tourmente vainement.
Quand Truitonne aspirait à l'hymen de Charmant,
Et que, sans avoir pu lui plaire,
Elle voulait former ce triste engagement
Que la mort seule peut défaire,
Qu'elle était imprudente, hélas !
Sans doute elle ignorait qu'un pareil mariage
Devient un funeste esclavage,
Si l'amour ne le forme pas.
A mon sens, il vaut beaucoup mieux
Être Oiseau Bleu, corbeau, devenir hibou même,
Que d'éprouver la peine extrême
D'avoir ce que l'on hait toujours devant les yeux.
En ces sortes d'hymens notre siècle est fertile :
Les hymens seraient plus heureux,
Si l'on trouvait encor quelque enchanteur habile
Qui voulût s'opposer à ces coupables noeuds,
Et ne jamais souffrir que l'hyménée unisse,
Par intérêt ou par caprice,
Deux coeurs infortunés, s'ils ne s'aiment tous deux.