Le Père Jacques
Dans les grands bois pleins de silence
Sous les frondaisons que balance
Une brise au murmure doux
Les feuilles mortes empourprées
Jonchent les herbes diaprées
De leurs tapis aux beaux tons roux.
Dans le sentier vierge de trace,
Le bûcheron cherche une place
Où poser ses vieux pieds meurtris.
La charge est lourde qu'il supporte,
Sa vieille échine n'est plus forte
Ses os secs sont endoloris.
Son front vers la tombe s'incline
Et dans son étroite poitrine
Son coeur bat à peine à présent,
Dès longtemps mort à l'espérance,
Le vieux accablé de souffrance
Marche au hasard d'un pas pesant.
On dirait l'hiver de la vie...
Auprès de lui s'en va ravie
Une enfant pâle, aux cheveux d'or,
Et parmi la ronce épineuse,
Elle cueille, toute joyeuse,
Les rares fleurs, comme un trésor.
Qu'importe si le froid s'élève
Et si la saison qui s'achève
Fane les fleurs et les flétrit ?...
La fillette a le temps d'attendre
Et la neige peut bien étendre
Son manteau blanc... Elle s'en rit !
Louis ORSONI