Histoire d'un confetti
Je suis un petit confetti,
Folâtre comme un travesti
Et léger comme un ouistiti
Des Antipodes.
Pauvre, ne valant pas un sou
Et rond, quoique n'étant pas saoul,
Je me vois cependant absous
De par la mode.
Depuis quelques jours, je suis né
Dans un grenier peu fortuné
Où mon maître avait hiverné
Près de Montrouge.
Ce maître était peu engageant,
Malheureux bougre sans argent,
A mine creuse d'indigent
Et trogne rouge.
Il me coupa, hurluberlu,
Dans un vieux bouquin jamais lu
D'un savant de Honolulu,
Sévère et triste,
Puis il me donna la couleur
Rose et gracieuse des fleurs
Qui s'étalent à la chaleur
Chez les fleuristes.
Lorsque je fus en cet état,
Dans un grand sac il me jeta
Sur d'autres confetti, en tas,
Que je refoule ;
Enfin, sans courir jusqu'au Var,
Il fut, sur les grands boulevards,
Bonimentant comme un bavard
Devant la foule.
Passe quelqu'un à l'air léger.
A lui je me vois adjugé :
C'est, dit-on, Monsieur Bérenger,
L'homme frivole,
Qui, de concert avec Brisson,
Poussait de joyeuses chansons
Et racontait, en vieux garçon,
Des fariboles.
Rugissant, ainsi que Jaurès,
Et courant, tels que des express,
Ils croisent Maurice Barrès
Qui, dans la rue,
Étalait un joyeux émoi
Et, comme un frère siamois,
Baladait guilleret son "Moi"
Dans la cohue.
Entre eux trois, bataille aussitôt,
Je vole sur un paletot
Et rebondit ex-abrupto
Sur la voilette
D'une femme au minois charmant
Qui s'en allait précisément
Retrouver, je crois... sa maman
A l'aveuglette.
Or, sans pouvoir crier : coucou !
Je glissai parmi, tout à coup,
Les frisons qui paraient son cou
Comme une mousse...
Telle fut ma fin ici-bas.
Mais, pour cet étrange trépas,
De grâce, ne me plaignez pas :
Ma mort fut douce !
CLAUDIN