Abandonné
La lune voyageait, majestueuse et lente ;
La neige sur la terre étendait un linceul,
Et l’astre de la nuit d’une lueur tremblante
Éclairait sur un arbre un oiseau triste et seul.
Grelottant, l’oiselet regardait d’un œil vague
La blanche immensité, la lune au firmament.
La vaste mer de neige, impassible et sans vague,
Brillait, étincelait comme un seul diamant.
Il restait là, tremblant, sur cette froide terre,
Lui qui pouvait voler, voler jusqu’aux cieux
A quoi pensait-il donc ? Qu’attendait-il ? - Mystère.
Immobile il restait, triste et silencieux.
L’âpre bise d’hiver soufflait, battant son aile,
Et le pauvre mignon appela dans la nuit,
Voulut chanter encore, pencha sa tête frêle,
Et tomba du rameau dans la neige, sans bruit.
Le ciel gris pâlissait. La neige immaculée
En flocons blancs tomba, puis bientôt recouvrit
Son corps transi de froid. Sous la nappe gelée,
Abandonné de tous, le pauvre oiseau périt
La lune s’enfuyait, majestueuse et lente,
La neige sur la terre étendait un linceul,
Et l’astre de la nuit d’une lueur tremblante
Éclairait sous un arbre un tombeau triste et seul.
Alphonse MILLET