Le cheval, le cerf et l'homme

Jadis les Himériens choisirent Phalaris
Pour leur donner des lois comme leur chef suprême.
Les peuples en tous temps se sont conduits de même,
Ce que faisait Himère on l’a fait à Paris.
Toujours à quelque joug l’homme veut se soumettre,
Et, sitôt affranchi, vite on réclame un maître.
Phalaris, élu chef, rêva d’être tyran.
Pareil fait de nos jours se reproduit encore :
Tel monarque, s’il n’a tous les pouvoirs, les prend.
Par bonheur un poète appelé Stésichore,
Après d’autres discours tenus aux Himériens,
Pour leur ouvrir les yeux leur conta cette fable :
Un cheval vivait seul dans un pré, sans gardiens.
Survient un cerf, voisin incommode, intraitable,
Qui gâte en peu d’instants le bienfaisant pâtis.
Le cheval, regrettant son bonheur de naguère,
Se plaint à l’homme et dit　: « Vois comme je pâtis !
Donnons la chasse au cerf et faisons-lui la guerre.　»
L’homme répond : « D’accord ! Je vais te mettre un frein
Et monter sur ton dos pour mieux lancer mes flèches ! »
Le cheval y consent ; mais quand le lion l’étreint,
Il sent qu’avec le mors, avec les sangles rèches,
Le fouet et l’éperon qui labourent ses flancs,
Au lieu de se venger il est lui-même esclave.
Adieu liberté ! L’homme a dompté ses élans,
Le bat s’il est rebelle, et s’il veut fuir, l’entrave ;
Stésichore ajouta : « Le sort de ce cheval,
Si vous n’y prenez garde, un jour sera le vôtre,
Car tout chef absolu pour un peuple est fatal ! »
C’était vrai de son temps ; ce l’est aussi du nôtre.

Jean REMY



Comments

[frieda31]

Cheval, cerf et homme, belle symbiose entre l'homme et l'animal. Bisous e joelle

[frieda31]

Superbe tableau de ce cheval brun et blanc. Bises Joelle.