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Des poèmes et des chats
17 septembre 2011

La jeunesse

C’était un soir de mai, j’avais alors quinze ans ;
Le ciel était tout pur, un vrai ciel de printemps :
Le soleil se couchait à l’horizon d’opale
Derrière lui laissant une clarté d’or pâle,
Les fleurs déjà fermaient leur calice vermeil,
Pour le rouvrir plus tard au retour du soleil.
La nuit bientôt après s’étendit sur la plaine,
Et la lune apparut souriante et sereine.
Pour moi, j’étais assis sur un tendre gazon,
Et mollement bercé par la douce chanson
D’un petit rossignol caché sous le feuillage,
Je me mis à rêver comme on rêve à cet âge

Combien restai-je là ? Je ne sais ; mais pourtant
Quand je le réveillai, j’étais joyeux, content :
Ah ! c’est que j’avais vu… mais, écoutez, mon rêve,
… Je dormais… Tout à coup un vif éclat s’élève,
Illumine le ciel et m’éblouit les yeux,
Devant moi je crus voir une Vierge des cieux.
Ses cheveux blonds livrés au vent qui les dénoue
Venaient en ondulant retomber sur sa joue.
De belles fleurs ornaient son minois gracieux
Et sa voix préludait un air mélodieux :
Elle tournait vers moi dans un charmant sourire,
Son œil, brillant reflet du ciel bleu qui s’y mire,
Ce regard de mon cœur enleva tout effroi,
« Que me veux-tu, lui dis-je, ô Vierge, dis-le moi ! »
- Ami, répondit-elle avec une voix douce,
Ami, je suis ta sœur. Comme la fleur qui pousse
J’ai grandi sur ma tige et suis à mon printemps,
Et c’est toi seul qui peux le prolonger longtemps.
Oui, de toi seul dépend mon existence entière,
Et malheur si je viens à mourir la première.
Après ma mort les jours pour toi seront affreux.
Oh ! ménage-moi donc si tu veux être heureux.
Hélàs ! je suis cependant rendre ton sort facile.
Mon existence seule assure ton bonheur.
Et sache-le, ma mort est pour toi le malheur »
A ces mots, elle part et d’une aile légère
Rapidement s’envole au-dessus de la terre.

Longtemps, longtemps après, je revenais parfois
Dans ces lieux où jadis s’écoulait ma jeunesse,
Mais je n’y trouvais plus le printemps d’autrefois,
Plus de plaisir, de joie, et partout la tristesse.
… Un jour j’y vins errer, pensif et tout rêveur.
Le ciel était obscur et la nature entière,
Par son deuil augmentait ma cruelle douleur ;
Le soleil ne jetait qu’une faible lumière,
Et son pâle reflet éclairait tristement
Les arbres dépouillés que secouait le vent.
La plaine était déserte et toute dénudée,
« Où sont donc les bijoux dont tu t’étais parée,
Campagne que jadis je parcourais joyeux,
N’as-tu donc plus de fleurs pour réjouir mes yeux ?
Oh ! laisse-moi pleurer et permets que mes larmes
Viennent baigner ton sol dépourvu de gazon ;
Me diras-tu pourquoi cette dure saison
T’a dépouillée ainsi de tous tes brillants charmes ?
Hélas ! je le vois bien, tout passe et tout s’enfuit,
La joie et le bonheur ne sont pas de ce monde,
Si parfois le matin l’espérance séduit,
Il est rare le soir qu’elle ne nous confonde. »
… J’allais ainsi songeant à mon triste destin,
Quand, près de moi, je crus apercevoir soudain
La Vierge qui jadis m’apparut souriante ;
Elle était maintenant, hélas ! si différente
Que je ne pus la voir sans être épouvanté :
Elle ne semblait plus une divinité.
Comme elle avait changé ! Car jadis radieuse
Elle était maintenant en proie à la douleur.
Son front était ridé, son âme soucieuse.
Sans doute qu’un chagrin lui dévorait le cœur.
Elle me dit bientôt d’une voix défaillante :
« Ami, prête à mourir, je viens te dire adieu.
Dans un instant j’aurai rendu mon âme à Dieu,
Et ma mort, dans ton cœur jettera l’épouvante.
Je t’avais déjà dit de ménager mes jours,
Mais tu ne l’as pas fait ; la noire jalousie
En entrant dans ton cœur me chassa de la vie.
C’est toi qui m’as tuée ; oh ! pleure-moi toujours,
Car tu perds avec moi la plus douce espérance.
Oui ! j’étais destinée à faire le bonheur
Et sans moi tu vivras toujours dans la souffrance.
- Qui donc es-tu ? » lui dis-je, oppressé de terreur.
Elle me répondit, succombant de faiblesse :
« Ami je ne suis plus et je fus ta jeunesse. »

Louis MIECAMP

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