L'abeille et le papillon
Un père dans une prairie
Se promenait de compagnie
Avec ses deux jeunes enfants.
Ils avaient tous les deux les plus rares talents,
Mais leur conduite était toute contraire.
L’un était appliqué, docile, studieux ;
Et l’autre, aux écoliers chose assez ordinaire,
Au travail préférait les jeux.
C’était un indolent, un parfait paresseux.
Le père avait bien su saisir son caractère ;
Mais ce n’était pas tout ; il voulait le changer
Et lui faire abhorrer sa funeste paresse.
Comme de ce dessein il s’occupait sans cesse,
Dans la prairie il vit par hasard voltiger
Deux insectes ailés d’espèce différente.
C’était le Papillon léger
Avec l’Abeille diligente.
Jamais plus belle occasion
De faire à ses enfants une sage leçon.
Aussi le père en fit usage ;
Et mettant sous leurs yeux ces insectes volants :
« Dans ces animaux, mes enfants,
J’aperçois, leur dit-il, votre fidèle image.
Vous qui pour le travail êtes remplis d’ardeur,
Vous ressemblez à cette abeille,
Qui compose avec soin son exquise liqueur.
Pour fruit de vos travaux, vous aurez en partage
L’estime des humains, la science et l’honneur.
Mais vous, mon fils, qui pour l’étude
Montrez une si vive horreur,
Je vois avec inquiétude
Que vous êtes, hélas ! semblable au papillon
Il voltige sur le gazon,
Mais de tout ce vain badinage,
Il ne tire aucun avantage,
Et sans avoir rien fait, il arrive à la mort.
Vous imitez son goût volage ;
N’éprouvez-vous pas, mon fils, son triste sort ? »
A tout jeune écolier je tiens même langage.
LABBE