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Des poèmes et des chats
23 avril 2013

Mère et Patrie

Les Allemands venaient d'envahir le village,
Ivres de leur victoire, affamés de carnage,
Et proférant tout haut des menaces de mort
Contre le paysan qui, des droits du plus fort
Oserait contester la puissance à cette heure.
Aussi, réfugié dans son humble demeure,
Se voyant un pour dix, que dis-je ? un contre cent,
Le villageois croisait les bras en frémissant,
Et le front soucieux, et le regard farouche,
Recevait l'ennemi qui, l'injure à la bouche,
Égorgeait ses agneaux et lui pillait ses biens...
Ah ! quand pourrait-il donc les broyer, ces Prussiens ?

A l'ombre d'un grand bois, près d'un champ de bruyère,
S'élevaient les vieux murs d'une pauvre chaumière.
La porte était fermée et les volets bien clos ;
On entendait parfois comme un bruit de sanglots,
Et puis, tout retombait dans un profond silence...
Au dehors, le vent soufflait avec violence,
Et le canon mêlait quelques sourds grondements
Dans la plaine et le bois à ses rugissements.

Tout à coup la rafale entre-baîlle la porte...
Dans une bière ouverte apparut une morte
Gardant sous sa pâleur un sourire très doux ;
Un bel adolescent priait à genoux
Et pleurait auprès d'elle. Hélas ! c'était sa mère !
Elle avait succombé de douleur, de misère ;
Le père, au champ des morts, dormait depuis longtemps
Et le fils restait seul avec ses dix-sept ans.
Il avait entendu dans sa lugubre veille
La mitraille et l'obus siffler à son oreille,
Et, malgré le chagrin qui lui mordait le coeur,
Anxieux, il cherchait quel était le vainqueur,
Puisqu'il avait perdu sa dernière espérance,
Sa mère... Pour toujours, à sa mère la France
Il allait se donner, et choisir son tombeau
Sur le champ de bataille, à l'ombre du drapeau.

Il tressaillit soudain... Groupés devant la porte,
Cinq ou six Allemands, d'une voix rude et forte,
Disaient qu'en cet endroit faisant leur campement,
Il devait sans retard céder le logement.
Le gars s'était dressé l'oeil en feu, l'air superbe...
Les Teutons ricanaient. "-Tiens ! qu'as-tu donc, imberbe ?
- Ce que j'ai, leur dit-il, je garde le cercueil,
Et malheur à celui qui franchira ce seuil !
Au reste, le Français n'abandonne la place
Qu'en présentant au feu sa poitrine. - Il nous lasse !
Crièrent-ils en choeur. Voyons, veux-tu céder ?
Ce canon de fusil peut-il te décider
Ou le tranchant aigu de cette fine lame ?"
Dans les yeux de l'enfant passa comme une flamme.
Résolu, le front pâle, il avança d'un pas.
" - Non, non, maudits Prussiens, je ne céderai pas !"
Et d'un bâton noueux trouvé dans la chaumière,
Faisant en un clin d'oeil une arme meurtrière,
Il vit sur le sol un, deux uhlans se rouler.
" - Ton compte, mon petit, va bientôt se régler,
Dit le chef en fureur. Attachez-moi le traître
Sous cette vigne en fleurs, tout contre la fenêtre :
Il gardera son bien... et bandez-lui les yeux.
- Oh ! non, dit l'orphelin, en regardant les cieux,
Je veux mourir en brave, afin que ma patrie
Soit fière un jour de moi... Mère !... Jésus !... Marie !...
Il tomba foudroyé... Bruyère et vigne en fleurs
Se teignirent soudain de vermeilles couleurs...

La Prusse a vaincu ! " - Faisons les funérailles !"
Hurlèrent les soldats. Et les vieilles murailles
Ne présentèrent plus, vers le déclin du jour,
Qu'un monceau de débris où planait un vautour.

Mathilde AIGUEPERSE

Avril2013_002

 

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Commentaires
F
triste récit, surtout l'avanture survenue à ce jeune ado. Bisous de Joelle
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