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Des poèmes et des chats
11 avril 2011

La batelière

Oeil d'azur, chevelure blonde,
Visage de grâce rempli.
Oh ! non, jamais sourire au monde
Ne fut si frais et si joli.
Salut donc à la batelière,
Salut à son gentil bateau !
La bonté luit sous sa paupière,
Son bateau vogue au fil de l'eau.

On dirait qu'elle est soucieuse,
Qu'elle a l'espri préoccupé ;
D'ordinaire elle est si rieuse,
Me serais-je aujourd'hui trompé ?
Non ; c'est que sa pensée achève,
Au reflet d'un doux souvenir,
De remonter le cours d'un rêve
Qui n'aurait jamais dû finir.

Elle songe à ses jours d'enfance,
Au temps où l'on cueillait des fleurs,
Où sa vie était sans souffrance,
Comme ses jours étaient sans pleurs ;
Au temps où l'espoir sans chagrin,
Comme une jeune fleur se dore
Aux premiers rayons du matin.

Joyeuse, elle allait sur la route,
Doucement et de pas en pas,
Redoutant de tomber sans doute,
Convier son père au repas.
Parfois sa vigilante mère,
Pour mieux gravir l'étroit chemin,
Lui disait : "Prends garde à l'ornière,"
Et la conduisait par la main.

Les champs se baignaient de lumière,
Les oiseaux essayaient leur vol,
Tout était joie en la chaumière ;
Dans les bosquets le rossignol,
De son chant charmait sa compagne ;
Dans le clair miroir du ruisseau,
Le berger, quittant sa montagne,
Se mirait avec son troupeau.

Mais tous les jours ne sont pas roses,
Il est une fin au printemps ;
Bien des fronts deviennent moroses
Au souffle glacé des autans.
L'hiver vint pour la jeune fille,
La mort lui prit tous ses parents.
Elles resta donc sans famille,
Lorsqu'elle n'avait pas quinze ans !

Un jour, allant à la rivière,
Elle y trouva le batelier :
"Oh ! sois, dit-il, ma batelière,
Mon coeur à toi tout entier."
Et quand sonna la fin de l'année,
Tous deux, à genoux à l'autel,
Célébrèrent leur hyménée
Par un grand serment solennel.

Un an plus tard elle était mère
Et berçait un charmant enfant.
Déjà de plus d'une chimère
Son coeur s'enivrait triomphant ;
Mais tout à coup la Mort jalouse
Lui prit son fils et son mari,
O douleur ! et la jeune épouse
Senti tout son bonheur tari !

Si le temps qui calme et console
Rend la paix au coeur attristé,
S'il est un baume en la parole
Qui donne la sérénité,
Sache, jeune femme rêveuse,
Que l'aube succède à la nuit ;
Que demain on peut être heureuse,
Si sombre qu'on soit aujourd'hui.

Oeil d'azur, chevelure blonde,
Visage de grâce rempli.
Oh ! non, jamais sourire au monde
Ne fut si frais et si joli.
Salut donc à la batelière,
Salut à son gentil bateau !
La bonté luit sous sa paupière,
Son bateau vogue au fil de l'eau.

C. S. - 1891

bateli_re

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