La petite marraine

Je vous adresse cette lettre,
Petit soldat, sans vous connaître...
Je l'écris pendant que maman,
Fait un tricot pour vous à côté de grand-père
Qui lit tout haut et lentement
Le communiqué de la guerre.
Maman cesse de tricoter
Pour mieux entendre et mieux penser à vous sans doute ;
Moi, sans comprendre tout, j'écoute
Et mon petit chien Fox aussi semble écouter...
Grand-Père finit sa lecture,
Il dit : "Que cette lutte est dure !
Mais la France ne la craint pas,
Vivent ses glorieux soldats !"

Maman a repris son ouvrage,
Grand-père réfléchit en caressant le chien,
Maintenant on ne dit plus rien.

Je vous écris, je suis une fille très sage,
Je m'applique aux devoirs, je m'applique aux leçons,
Je fais, sans résister, ce qu'on me dit de faire,
J'ai quatre fois de suite, au cours, été première,
Je veux que maman soit contente !...
Nous pensons
Sans cesse à vous, soldats. La neige tombe sur la route :
Vous devez avoir froid !... On s'est mis au travail
Pour confectionner, gants, chaussettes, chandail ;
Tout est pour vous... J'ajoute
Des tablettes de chocolat ;
Je les envoie avec le tricot que voilà.
J'épinglerai ma lettre à a la manche...
Courage !
Soldats qui vous battez si bravement pour nous,
Pour que nous gardions, dans l'orage,
Nos maisons et les bras si doux
De nos mamans qui nous câlinent.
Oh ! quel bonheur, le soir, quand leurs baisers s'inclinent
Vers nos yeux qui s'en vont dormir !

Dépêchez-vous de revenir !
Grand-Père nous l'a dit : "La victoire est certaine !"
Bonne chance !
Je vous embrasse.

MADELEINE (1915)

P.S. Grand-père mettra dans votre paquet,
(Vous regarderez bien dans une des chaussettes)
Une pipe et un briquet,
Du tabac et des cigarettes...

Comments

[gard]

Scène d'antan, bonne journée Rose-marie? Joelle