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Des poèmes et des chats
16 juin 2010

La vente du Noiraud

Un jour, la vache noire étant à la pâture,
Le long char du boucher roule sur le chemin ;
Et le maître, agitant son capet dans sa main,
Se dresse sur la lande et court vers la voiture.

Le boucher a compris, le char s'est approché,
Le long char plein de veaux frissonnants sous leur chaîne,
Et le maître s'en va, dans l'étable prochaine,
Prendre le bon Noiraud au front blanc tant léché !

Oh ! le petit Noiraud ! Il n'a, pour se défendre,
Que sa voix qui s'éplore et ses yeux ingénus !
Mais le boucher le pousse avec ses poings charnus,
Et le fermier distrait ne pense qu'à bien vendre !

Le Noiraud s'en va donc, sur le vieux char grinçant,
Avec la chaîne au col. Et bientôt, sur la plaine,
On entend les cahots de la voiture pleine,
Puis, parfois, un appel plaintif et décroissant.

Or, le soir, quand pâlit le ciel crépusculaire,
La vache noir arrive à l'étable, à pas prompts ;
Et, regardant les murs avec ses grands yeux ronds,
Elle souffle soudain et tremble, cherche, flaire...

Oh ! Le Noiraud ! Où donc est-il ? Alors bramant,
Elle appelle, elle appelle, avec sa voix grossie !
Oh ! le veau, dont la corne obtuse et mal durcie
Lui caressait hier le pis si doucement !...

Elle va visiter tous les coins de l'étable,
Gémit, lèche la place où reposait le veau,
Puis refuse le foin savoureux et nouveau
Et les épis dorés du maïs délectable.

La fermière s'approche et veut la traire en vain.
La vache aux yeux rêveurs et tristes la regarde,
Puis, contractant son ventre avec force, elle garde
Son lait pour son Noiraud qui doit avoir bien faim.

Et quand on la conduit à la fontaine claire,
En sifflant la chanson qui fait boire les boeufs,
Et quand on l'abandonne au fond des près herbeux,
La bonne vache noir appelle encore et flaire.

Enfin, après trois jours, comme son pis se fend,
Et comme la nature a voulu qu'on oublie,
Elle laisse couler sa mamelle affaiblie :
Et la fermière aura du lait pour son enfant.

Jean RAMEAU

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