La fontaine
C'était dans l'épaisseur du bois le plus profond,
Une source coulait et murmurait au fond
Sur un lit de sable ou de pierre ;
Et quand je fus auprès, sans que je visse rien,
Une voix m'appela, disant : "Regarde bien,
C'est la fontaine de ton Père."
Oh ! je courus alors ; j'étais plein de bonheur,
Car j'avais bien souffert de l'ardente chaleur,
Et ma lèvre était tout en flamme.
J'arrivai, mais à peine eus-je effleuré les bords,
Qu'un frisson douloureux me saisit tout le corps,
J'étais en face de mon âme.
Et dans ce moment-là les colombes des cieux,
Avec un cri d'amour, descendaient deux à deux
Pour y baigner leurs tendres ailes ;
Et moi je reculai ; je partis en pleurant.
Hélas ! je n'osai boire au céleste torrent,
Moi, n'étant pas aussi pur qu'elles.
Edouard TURQUETY