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Des poèmes et des chats
21 mai 2009

Le Diable de feu

Comme un épais cordon de chasseurs cerne un bois
Pour prendre sûrement les fauves à son piège,
Ainsi toute la Prusse acharnée à ce siège,
Investit Mayence aux abois.

La Prusse avec son roi qui lui-même dragonne
Comme un soldat devant nos redoutes, épris
De la ville, jaloux d'effacer ce prix
Le récent affront de l'Argonne.

Or Mayence résiste, elle veut s'obstiner
A retarder la chute où le sort la destine,
Et parfois elle écoute au loin si de Custine
Le clairon ne va pas sonner.

Mais Custine s'abstient, et la cité s'entête,
Magnanime, à subir l'épreuve des assauts,
Comme un des rochers où s'usent les vaisseaux,
Impassible dans la tempête.

Car Mayence recèle un peuple de héros,
Invincible à la mort qui sur leurs têtes tonne ;
Là, semblables aux vents belliqueux de l'automne,
Se déchaînent six généraux.

Tels que les chevaliers du drapeau tricolore,
Quelques-uns retrempant un blason féodal ;
C'est Marigny qui semble avoir pris Durandal
Au paladin dompteur du More ;

C"est Dubayet, Beaupy, l'athlète au noble front,
Meunier, penseur promis au deuil de la patrie ;
C'est ta fièvre, c'est ton courroux, c'est ta furie,
O Kléber que les sphinx craindront !

Mais, plus que ces héros et que ces preux, éclate,
Imaginez Achille au secours d'Ilion,
Un être formidable aux cheveux de lion
Où flotte un panache écarlate ;

Un jeune homme, un tribun, soldat improvisé,
Chef imprévu plongeant au loin son regard d'aigle,
Inspiré de la guerre et docile à la règle,
Calme et sans cesse électrisé.

Ce lutteur sans orgueil comme sans défaillance,
Simple et sublime, c'est Merlin, l'homme au coeur fort,
Soutien d'une cité dans un suprême effort,
Incarnation de Mayence.

C'est lui le proconsul fier de sa mission,
Tantôt prudent, tantôt fougueux, toujours terrible,
Qui multiplie aux yeux de l'ennemi, visible,
L'esprit de la Convention.

Merlin de Thionville, un descendant d'Hercule,
Inventant le remède où surgit le besoin,
Criant à l'épouvante. "Arrière !", au Mal : "Plus loin !"
Et qui dit à la Faim : "Recule."

Puis, tel qu'un épervier se précipite, il part ;
Dans les rangs ennemis tête baissée, il plonge,
Cueille ses prisonniers, agile comme un songe,
Et retourne sur le rempart.

Là, pour se reposer d'escarmouches épiques
Ou de combats pareils aux chocs des vieux géants,
Il aime à manier les lourds canons béants,
Comme des cestes olympiques :

Et poussant devant lui ces cratères d'airin,
Que de fois, accoudé sur leur masse robuste,
Il fixe enfin ce bronze et le pointe et l'ajuste
Avec un geste souverain ;

Et là, l'éclair aux yeux et la pourpre à la joue,
Visant des ennemis la vivante forêt,
Il dispose à loisirs ses pièces... on dirait
Qu'avec ces chers canons il joue ;

Si bien qu'en le voyant incomparable au jeu
Des batailles, présent partout, partout superbe,
Les Allemands, qu'il fauche à loisir comme l'herbe,
Murmurent : "Le Diable de feu !"

Emmanuel des ESSARTS

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