LE CALENDRIER

Petit calendrier, voici ta dernière heure,
Au fond d'un long tiroir, ta modeste demeure,
En paix tu dormiras.
Mais ne crains pas l'oubli : plus d'une fois encore,
Quand l'heure sera lente à ramener l'aurore,
Près de moi tu viendras.

Tu me rappelleras ma joie et ma tristesse,
Les longs jours de soucis, les beaux jours d'allégresse
De l'an qui va venir.
Je t'ai tout confié, peine, joie, espérance.
Tu pourras en tout temps, par ta frêle existence,
M'aider au souvenir.

Un simple point suffit pour fixer la pensée,
Pour remettre en mémoire une chose passée,
Même après bien des ans.
Combien tes jours marqués par des points noirs ou roses,
Cher petit confident, me rediront de choses
De souvenirs charmants !

Ici, le petit point marque un jour tout de fête,
Plus loin, un jour néfaste où mon âme inquiète
Se sentait défaillir.
Puis la prise d'habit d'une charmante amie,
Imposante et souvent triste cérémonie
Qui nous fait tressaillir.

Ici, l'heureux hymen d'une jeune parente,
Et là, le dernier jour de notre bonne tante ;
Des tristesses, des pleurs.
Six et vingt-cinq août, grande joie en famille ,
Naissance d'un garçon, naissance d'une fille,
Chérubins de nos coeurs.

Enfin, fêtes, plaisirs, rêves, joie, espérance ;
Ou bien peines, regrets, crainte, deuil et souffrance.
En ses nombreux détours,
Remontant lentement le cours de chaque année,
J'aime à me retracer de journée en journée
Heureux ou mauvais jours !

Quelques instants encore,
Et sur l'airain sonore
Le marteau frappera.
Et sans laisser de trêve,
A cet an qui s'achève
L'autre succédera.

Mais un voile le couvre,
Jamais il ne s'entr'ouvre,
Pour que l'on puisse voir
Ce que l'an qui commence
Nous garde de souffrance,
De bonheur ou d'espoir

Aussi quand l'âme aimante,
Joyeuse et confiante,
Rêve des jours heureux,
C'est vers Dieu, notre père,
Que son humble prière
Doit porter tous ses voeux.

J'entends sonner minuit. Petit calendrier,
Garde mes souvenirs, adieu, je vais prier !

Elisa BOSCH