Durandal et Joyeuse
Roland eut Durandal, Charlemagne a Joyeuse.
Soeurs jumelles de gloire, héroïnes d'acier,
En qui vivait du fer l'âme mystérieuse,
Que, pour son oeuvre, Dieu voulut associer.
Toutes les deux, dans les mêlées,
Entraient, jetant leur rude éclair,
Et les bannières étoilées
Les suivaient en flottant dans l'air !
Quand elles faisaient leur ouvrage,
L'étranger frémissant de rage,
Sarrasins, Saxons ou Danois,
Tourbe hurlante et carnassière,
Tombait dans la rude poussière
De ces formidables tournois.
Durandal a conquis l'Espagne ;
Joyeuse a dompté le Lombard ;
Chacune, à sa noble compagne,
Pouvait dire : voici ma part !
Toutes les deux ont, par le monde,
Suivi, chassé le crime immonde,
Vaincu les païens en tout lieu ;
Après mille et mille batailles,
Aucune d'elles n'a d'entailles
Pas plus que le glaive de Dieu !
Hélas ! La même fin ne leur est pas donnée :
Joyeuse est fière et libre après tant de combats,
Et quand Roland périt, dans la sombre journée,
Durandal des païens fut captive là-bas.
Henri de BORNIER