LARIDON
Notre ami Laridon, chargé d'un lourd panier
Où la fermière a mis le déjeuner du maître
Chemine, par un jour de soleil printanier,
Sur la berge. Soudain il y voit apparaître,
Trottant plus bas que lui le long du clair ruisseau,
Dans le miroir de l'eau,
Un chien pareil à lui, portant même pitance :
"Quel est ce camarade ?... un chien de connaissance
Car je l'ai déjà vu, ce me semble... un gaillard,
Bien en point, mais pas trop gras ! il aime trop l'office :
Cela se sent assez à cette odeur de lard
Qui sort de son panier... de lard ou de saucisse !
Et dire que jamais je n'eus l'occasion
D'en savourer le goût !... Chair sans os, c'est délice !
Mais, cette fois, je cède à la tentation :
Tant pis ! j'y goûterai... par force ou par malice !
Seulement que je sois d'abord débarrassé
De ce méchant fricot dont j'ai le cou cassé !"
Il dit. Et profitant d'un rideau de broussaille
Qui le masque quelques instants,
En trois ou quatre coups de dents
Il vous happe sa victuaille.
Et vite, ayant rejoint au tournant du ruisseau
L'autre chien qu'il retrouve encore au bord de l'eau,
Il va pour l'attaquer, quand, à son oeil avide
S'offre un panier ouvert, sans couvercle, mais vie
Comme le sien. Alors, au comble de l'émoi,
Mon Laridon, montrant son croc à l'adversaire
Qui semble transporté de la même colère,
S'écrie : "Ah ! le coquin il a fait comme moi !"
Léon RIFFARD