Le papillon
Je naquis au printemps ; il neigeait blanc et rose
Sous les arbres en fleurs où l'oiseau se repose
Après ses chants d'amour, sur le bord du ruisseau
Limpide et gazouillant. La rose, pour berceau,
M'offrit le doux satin de sa frêle corolle,
Et maintenant, joyeux, je butine, je vole
Dans le pré verdoyant - délicieux - séjour -
Où j'aime à folâtrer jusqu'au déclin du jour.
Dans la mousse blotti chaque nuit je sommeille ;
A l'aurore un rayon empourpré me réveille.
Insoucieux, je pars au chant des gais pinsons,
Enivrés des senteurs qui montent des buissons
Vers le ciel azuré... Je bois avec délices
Le miel et le nectar parfumé des calices ;
Fleurettes et ruisseaux, oiselets, sans émoi,
Dès le matin vermeil babillent avec moi,
Je suis humble, petit ; la goutte de rosée
Sur la cime des fleurs par l'aube déposée
Reflète mon corps... Mais un jour dans les roseaux,
Le zéphyr agitant la surface des eaux,
En un tendre baiser me dit à l'oreille :
"Sois prudent, papillon, l'homme te guette, veille !"
Puis s'enfuit aussitôt... Et j'ignore toujours
Pourquoi l'homme cruel veut abréger mes jours...
Le ruisseau cristallin fuyant sous les charmilles
Doucement répondit : "Ami, c'est que tu brilles."...
L.E. Alphonse MILLET