Rêve de Noël
Ainsi qu'ils le font chaque année,
En papillotes, les pieds nus,
Devant la grande cheminée,
Les bébés roses sont venus.
A minuit, chez les enfants sages,
Le joli Jésus, qu'à genoux
On adore sur les images,
Va, les mains pleines de joujoux,
Du haut de son ciel bleu descendre ;
Et, de crainte d'être oublié,
Les bébés roses, dans la cendre,
Ont mis tous leurs petits souliers.
Derrière une bûche, ils ont même,
Tandis qu'on ne les voyait pas,
Mis par précaution suprême,
Leurs petits chaussons et leurs bas.
Puis leurs paupières se sont closes
A l'ombre des rideaux amis...
Les bébés blonds, les bébés roses,
En riant se sont endormis.
Et jusqu'à l'heure où l'aube enlève
Les étoiles du firmament,
Ils ont fait un joli rêve,
Qu'ils riaient encore en dormant.
Ils rêvaient d'un pays magique
Où l'alphabet fut interdit.
Les arbres étaient d'angélique,
Leurs maisons, de sucre candi.
Et sur les trottoirs de réglisse,
On rencontrait - c'était charmant !
Des bonshommes de pain d'épice,
Qui vous saluaient gravement.
Dans ce doux pays de féerie,
A Guignol, on va chaque jour,
Et l'on voit, sur l'herbe fleurie,
Les lapins jouer du tambour !
Sur de hautes escarpolettes,
Bercé par les anges, on dort.
Là, tous les chiens ont des roulettes,
Tous les moutons, des cornes d'or.
Mais, comme venait d'apparaître
En personne, le Chat botté,
Le jour, entrant par la fenêtre,
A mis fin au rêve enchanté...
Alors, en d'adorables poses,
S'étirant sur leurs oreillers,
Les bébés blonds, les bébés roses,
En riant se sont éveillés.
Rosemonde GERARD